The domestic world in Mariama Bâ and Ashapurna Devi

Anwesha Biswas, Visiting Faculty,  Department of French,  Syamaprasad College, Kolkata

Abstract

This discourse, based on the comparative study of two novels, ‘Une Si Longue Lettre’ and ‘Pratham Pratishruti,‘ from different eras and continents, aims to pay tribute to two pioneers of modern feminism, Mariama Bâ and Ashapurna Devi, and will show how their feminist consciousnesses blend without any barriers of time, culture, and language. Both feminists have taught me how writing is often a means of escaping distress and how despite our sufferings, we can still manage to say something meaningful about life.

During the centuries when these two novels were written, the world was preoccupied with major issues such as wars and colonization. The problems inside the four walls, particularly women’s struggles in the domestic world, were consciously ignored. In this discourse, I will demonstrate that although these two novels depict societies from different continents, different centuries, different cultures, and different religions, they blend in the same claustrophobic air of patriarchy. This patriarchal mentality, in the form of norms and religious traditions, problematizes or hinders societal progress by oppressing women’s voices in the domestic world. In this research, one can also see that not only were men the cultivators of patriarchy, but some old women tried to establish patriarchal tradition more than men. However, the protagonists of Bâ and Devi proved that despite patriarchal domination, women can find their path to freedom by breaking the chain of prolonged silence within the four walls. And through these novels, feminist voices emerge from these claustrophobic four walls and begin to resonate in the fresh air of freedom.

Finally, the main objective of this research is to explore shared themes and narratives in Franco-Indian literature concerning the novels ‘Une Si Longue Lettre‘ and ‘Pratham Pratishruti.’

Keywords: French-Indian literature, Patriarchy, Domestic society, Feminist voices, The chain of silence, Freedom.

Résumé

Ce discours, basé sur l’étude comparative de deux romans, Une Si Longue Lettre et Pratham Pratishruti, d’époques différentes et de continents différents, tend à rendre hommage à deux pionnières du féminisme moderne, Mariama Bâ et Ashapurna Devi et montrera comment leurs consciences féministes se mêlent sans aucune barrière de temps, de culture et de langage. Tous les deux féministes m’ont enseigné comment l’écriture est souvent un moyen de sortir d’une détresse et comment malgré nos souffrances personnelles, nous pouvons encore réussir à dire quelque chose de significatif sur la vie.

Au cours de ces siècles où ces deux romans ont été écrits, le monde était occupé par de grands problèmes comme les guerres, la colonisation. Les problèmes à l’intérieur des quatre murs, en particulier la lutte des femmes dans le monde domestique ont été consciemment ignorés. Dans ce discours, je vais montrer que bien que ces deux romans mettent en scène des sociétés de continents différents, de siècles différents, de cultures différentes, de religions différentes, ils se mêlent dans le même air claustrophobe du patriarcat. Cette mentalité patriarcale sous forme de normes et de traditions religieuses problématise ou entrave le progrès de la société en opprimant les voix des femmes dans le monde domestique. Dans cette recherche, on peut également voir que non seulement les hommes étaient les cultivateurs du patriarcat mais qu’il y avait des vieilles femmes qui essayaient d’établir la tradition patriarcale plus qu’un homme. Mais les protagonistes de Bâ et Devi ont prouvé que malgré la domination patriarcale, les femmes peuvent trouver leur chemin de la liberté en brisant la chaîne du silence prolongé à l’intérieur des quatre murs. Et à travers ces romans, les voix féministes sortent de ces quatre murs claustrophobes et commencent à résonner dans l’air frais de la liberté.

Enfin, l’objectif principal de cette recherche est d’explorer des thèmes et des récits partagés en littérature franco-indienne en référence aux romans Une Si Longue Lettre et Pratham Pratishruti.

Keywords;  Littérature franco-indienne, Patriarcat, Société domestique, Voix féministes, La chaîne du silence, Liberté.

Introduction

La littérature est prudemment une périphérie où les êtres humains ont la liberté d’exprimer leur misère, leur exultation, leurs protestations, leurs gémissements et leurs rires sans distinction de race, de sexe et de religion. La littérature donne la parole aux opprimés et aux vaincus. Donc, il est très important pour les femmes d’avoir accès au monde de la littérature où elles peuvent exprimer leurs opinions à l’aide de l’encre. Si l’on jette un coup d’œil par les fenêtres de l’histoire, on rencontre de nombreuses femmes écrivains qui ont utilisé leur stylo comme une arme pour lutter contre la domination.

Mariama Bâ, lauréate du prix Noma en 1981, utilise la lettre de format épistolaire, Une si longue lettre, pour dépeindre l’image d’une société où le patriarcat prévalait à tel point qu’une femme musulmane de cinquante ans qui enfantait un homme douze enfants pouvait être abandonnée à l’âge de cinquante-trois ans, pour la belle amie de sa fille aînée. Après le décès soudain de son mari Modou, cette femme, Ramatoulaye écrit une lettre à son amie Aissatou en Amérique, sur sa propre vie qui devient une critique cinglante d’une société patriarcale qui néglige consciemment de prêter attention à l’oppression des femmes. En écrivant ce roman épistolaire, Ramatoulaye contourne ainsi le mandat de silence de quarante jours imposé par l’islam à une veuve et Ramatoulaye profite de cette période de confinement pour faire une lettre un puissant symbole de la femme saisissant le stylo. A celui qui lit cette lettre, la première question qui lui vient à l’esprit est : Comment une lettre peut-elle être si longue ! Mais une lettre peut être si longue si elle raconte l’état misérable des femmes dans la société. Ce n’est pas une si longue lettre; c’est une si longue histoire douloureuse de la condition féminine dans notre société. Il ne s’agit pas seulement des femmes sénégalaises ou de leur condition et de leurs droits, il s’agit aussi de la condition réprimée, dominée et torturée de chaque femme de ce monde. L’auteur ne s’est pas seulement adressé ici à son amie, elle a en fait écrit cette longue lettre s’adressant à toutes les femmes de ce monde. Bien que l’auteur ait mis en lumière la société africaine et ses normes, cette lettre dépeint le cri de chaque femme qui résonne sans cesse de tous les coins du monde.

Ashapurna, d’autre part, n’avait aucune éducation formelle. Cependant, ses nombreux romans et nouvelles ont jeté beaucoup de lumière sur la condition des femmes bengalis et ont ainsi contribué au féminisme. Ashapurna possède un sens dynamique, poignant et aventureux de la manière dont ses protagonistes féminines se développent et questionnent la société. Devi explore l’innovation et l’illumination des femmes pendant la période coloniale et post-coloniale au Bengale. A travers ses nouvelles et surtout sa trilogie, son chef d’œuvre – Pratham Pratisruti[La première promesse] (1964), Subarnalata (1967) et Bakulkatha [L’histoire de Bakul] (1974), elle tente d’articuler le combat des femmes de son époque.

Dans ce discours, je voudrais mettre l’accent sur Pratham Pratisruti[La première promesse]. Le personnage principal de ce roman, Satyabati est une incarnation brûlante de la vraie féministe, qui, tout au long du roman, proteste contre la discrimination sexuelle et contre les normes non pertinentes de la société patriarcale. Devi a peint le personnage de Satyabati, le protagoniste de Pratham Pratisruti, avec les couleurs de l’intrépidité et de la rébellion. Dans ce roman, on peut voir que Satyabati n’est pas comme les autres femmes et enfants. Elle est différente. Elle élève toujours la voix contre l’oppression des femmes. Elle remet tout en question et son esprit est plein de curiosité depuis son enfance. Elle essaie toujours de briser les chaînes des idées préconçues de la société patriarcale. Au tout début du roman, on la trouve en train de débattre de sa volonté d’attraper du poisson avec une canne à pêche car, selon sa grand-mère, il est interdit à une fille d’attraper du poisson avec une canne à pêche. Mais elle nie suivre aveuglément ce genre de règles non pertinentes. Satyabati n’est pas comme ces femmes dociles qui suivent sans réfléchir les règles et les conduites anciennes au nom de la convention. Au lieu de cela, elle essaie de tout comprendre avec sa propre logique et cet héritage de rebelle se poursuivra jusqu’à bakulkatha où bakul remporte une véritable victoire sur l’émancipation des femmes.

Ainsi ces deux romans, Une si longue lettre et Pratham Pratisruti [La première promesse] explorent les luttes et les combats de femmes enfermées dans les quatre murs pour faire entendre leur voix dans cette société patriarcale. Les protagonistes de Bâ et Devi nous montrent que le silence a été forcé sur elles, mais elles n’ont jamais été silencieuses. Et à travers ces romans, ces voix féministes sortent de ces quatre murs claustrophobes et commencent à résonner dans l’air frais de la liberté.

La religion; un outil du patriarcat

Depuis l’Antiquité, il a été déduit que les femmes ont été subjuguées par les conditions patriarcales qui prévalent dans la société et cette subjugation prend naissance à l’intérieur des quatre murs du monde domestique. La première arme utilisée par le patriarcat est au nom des normes religieuses qui déprécient les droits des femmes. La religion est l’arme la plus pratiquée de la mentalité patriarcale pour dominer les femmes dans le monde domestique et cette domination dans les quatres murs est la vraie représentation du grand monde. La façon dont une religion peut dominer les femmes, personne d’autre ne le peut.

L’objectif de ce chapitre est de souligner les effets de déresponsabilisation de toute religion, en particulier en référence aux femmes dans le contexte musulman africain traditionnel du Sénégal et dans le contexte hindou traditionnel du Bengale avant l’indépendance qui sont bien reflétés dans ces deux romans.

Tout d’abord, on met l’accent sur le roman épistolaire Une si longue lettre de Mariama Bâ qui semblerait indiquer la marginalisation des femmes musulmanes en particulier.. Les femmes de ce roman peuvent être considérées comme des « victimes » de la société patriarcale dominée par une religion particulière. Par conséquent, ce chapitre vise à analyser la bataille des sexes dans le roman en examinant le traitement, l’exploitation et la manipulation des personnages féminins qui sont établis sur la base des principes de la Religion et de la Tradition.

Dans ce roman, Bâ décrit les effets de l’islam et de sa tradition sur les femmes Senegalaise. Au début, on apprend que la protagoniste, Ramatoulaye, vient de perdre son mari. Elle décide d’écrire une lettre à son amie Aïssatou pour se débrouiller ce rituel d’Iddah où une femme doit observer un silence encagé dans les quatre murs après la mort de son mari ou après un divorce, durant lequel elle ne peut épouser un autre homme. Elle écrit sur sa lutte émotionnelle pour retrouver sa vie peu de temps après avoir appris le deuxième mariage de son mari à l’âge de cinquante ans. Bien que les lois de l’Islam soient compatibles avec les actions de son mari Modou, cela est considéré comme un rejet brutal de leurs trente ans de vie commune. Cela est également considéré comme une trahison de la confiance de la femme, qui est encouragée par une religion car la loi islamique autorise la polygamie, où un homme musulman peut être marié à quatre femmes en même temps. La religion traite les femmes inférieures aux hommes dans une société et les condamne à être des citoyens de seconde zone. Même Aïssatou, l’amie d’enfance de Ramatoulaye a dû faire face à cette même épreuve déchirante avant Ramatoulaye, lorsque son mari Mowdo décide de prendre une autre femme. Mais contrairement à Ramatoulaye, malgré ses origines islamiques, Aïssatou va plus loin avec audace, laisse derrière  son mari et ses problèmes, se rend en France et commence sa vie seule. Elle brise les anciennes habitudes qui font prospérer l’assujettissement et l’oppression des femmes.

Les hommes la tiennent pour acquise, selon leur convenance comme Modou et Mowdo prennent cette affirmation comme la leur. Bien que Mowdo aime Aïssatou, l’impact de la culture et des traditions de la société musulmane africaine fait que Mowdo accepte son cousin Nabou comme sa deuxième épouse, ce qui peut être accordé sur le souhait de sa mère, qui regrette plus tard son acte. L’influence de la religion est telle que ni lui ni Modou ne peuvent penser une seule fois à leurs épouses avant de prendre la décision d’opter pour un second mariage.

La religion joue un grand rôle dans la domination et la suppression des femmes comme dans cette longue lettre épistolaire de Mariama Bâ, on peut voir que la vie des femmes dans la société musulmane d’Afrique est enfermée dans des frontières religieuses. Les coutumes religieuses comme la « Polygamie », « Iddah »[1] ont fait de leur vie pas moins qu’un enfer. Ces coutumes de la religion musulmane ont nié tous les droits des femmes dans la société. La même image a été magnifiquement projetée dans le film « Escape from Taliban », basé sur l’histoire « A Kabuliwala’s Bengali Wife » (Une Femme bengali d’un Kabuliwala) de Sushmita Banerjee[2] qui a expérimenté les mêmes souffrances tout en étant piégée dans les coutumes de la religion musulmane dans sa belle-famille en Afghanistan.

C’est la tradition religieuse qui ne permet même pas aux femmes d’étudier ce qui est exprimé par Bâ dans le texte à travers le personnage de La mère de tante Nobou Mawdo qui enseigne à sa nièce que « une femme n’a pas besoin de trop d’éducation » (Ch.12). et ( Bâ  :Une Si Longue Lettre). La religion nie le droit de la femme à la liberté et à l’éducation. Bien que dans ce roman les deux protagonistes réussissent à s’éclairer à la lumière de l’éducation et la culture occidentales après leur scolarité primaire à l’école coranique.

D’un autre côté, le même scénario a été dépeint dans le chef d’œuvre d’Ashapurna Devi, Pratham Pratishruti (La Première Promesse), bien qu’il appartienne à un siècle différent, à une culture différente, à une religion différente. Le roman se déroule dans un village du Bengale avant la partition. Son thème se concentre sur une structure sociale basée sur la superstition religieuse, les préjugés et l’injustice envers les femmes.

Dans ce chef-d’œuvre de Devi, on trouve un compte rendu de presque toutes sortes de pratiques, de normes et de systèmes religieux et sociaux qui prévalent dans la zone rurale du Bengale contemporain. Premièrement, si l’on jette un coup d’œil sur les veuves de ce roman, on peut bien remarquer qu’elles sont les pires victimes de pratiques religieuses non pertinentes. Il y a une énorme représentation du système des veuves dans ce roman. Comme le rituel d’Iddah dans la culture musulmane, dans l’hindouisme aussi une femme doit beaucoup souffrir après la mort de son mari à cette époque la. La vie des veuves est tout aussi misérable dans la société hindoue contemporaine du Bengale. Dans ce roman, on peut voir que les cinq veuves de la famille de Ramakali, Dinatarini, Kashiswari, Shankari, Shibjaya et Mokshada mènent une vie stricte par leur propre choix. Il y avait un endroit différent pour les veuves pour cuisiner et tout le monde ne pouvait pas entrer. C’est à eux qu’incombe la charge, de l’aube au crépuscule, de s’occuper de tous les problèmes pratiques de la gestion d’un foyer. Elles sont tenues de respecter strictement les règles régissant le veuvage, règles qu’elles renforcent cependant en exigeant que les autres membres féminins de la famille apprennent à les observer dans une société dominée par les hommes.

Un autre cas où ces deux romans se mêlent est la polygamie qui est nourrie par ces deux religions. À Pratham Pratishruti, on peut également voir que la prévalence de la polygamie est une incidence normale. c’est le « système de croyance » qui a légalisé le système de la polygamie et les femmes l’ont accepté sans aucune protestation, montrant le processus patriarcal de socialisation de la petite fille. Dans ce roman on peut voir qu’un des neveux de Ramkali, Rashbehari, suite aux obligations imposées à un brahmane kouline, est obligé de contracter un second mariage, mais en même temps une femme n’est pas autorisée à commencer une nouvelle vie même après la mort de son mari comme ici on peut voir que l’une des cinq veuves de la maison de Ramakali, Shankari s’enfuit avec l’homme qui la courtisait, Nagen, ce qui met toute la famille en disgrâce.

Mais contrairement au personnage de Ramatoulaye dans Une Si Longue Lettre, ici la première épouse de Rashbehari, Sarada proteste vigoureusement contre ce second mariage de son mari en menaçant de se suicider. Bien que Sarada ne soit pas très éduquée, sa protestation contre cette polygamie nous rappelle le personnage d’Aïssatou dans le roman, Une Si Longue Lettrede Bâ.

À la grande similitude avec  Bâ’s Une si longue lettre , dans ce roman, Pratham Pratishruti (La Première Promesse) de devi on peut aussi voir que la religion hindoue de cette période nie le droit de la femme à l’éducation et approuve le mariage des filles mais comme les protagonistes de Une si longue lettre, Ramatoulaye et Aïssatou, Satyabati, la protagoniste de Devi, réussit à s’éclairer à la lumière de l’éducation.

Bien que ces deux romans appartiennent à des siècles différents, à des cultures différentes et à des religions différentes, ils insistent sur l’éternelle victimisation des femmes africaines et indiennes par leur religion et leur culture. Ils se concentrent également sur les mariages d’enfants, encourageant ces jours-ci au Bengale et au Sénégal. Dans ces deux romans, les écrivaines dépeignent les sociétés sénégalaise et bengali d’influences religieuses et patriarcales où les familles exercent beaucoup de pressions et d’influence sur les jeunes afin de faire respecter les tabous, les normes et les privilèges traditionnels non pertinents.

Les femmes âgées; les fidèles du patriarcat

Généralement, la recherche féministe attribue la domination de l’idéologie patriarcale dans la société aux activités des hommes, tout en considérant les femmes comme des victimes innocentes de l’autorité patriarcale. Cependant, une lecture attentive des textes de certaines femmes écrivains comme Mariama Bâ et Ashapurna Devi fournit une critique de ce point de vue et examine les rôles directs et indirects joués par certaines femmes dans la perpétuation de l’oppression patriarcale. L’accent est mis sur les femmes âgées dans le monde domestique qui, souvent, sont si ignorantes, égoïstes et manipulatrices qu’elles rendent la vie difficile aux autres femmes.

Tout d’abord je vais jeter la lumière sur le roman, Une Si Longue Lettre de Bâ où j’analyserai les rôles de certaines femmes dans le système patriarcat dans le contexte du monde domestique de la société africaine.

Dans ce roman, on peut bien remarquer que Mawdo et sa femme Aïssatou étaient heureux et satisfaits dans leur mariage jusqu’à ce que Mawdo commence à subir des pressions extérieures de sa mère. La mère de Mawdo, tante Nabou, ne peut pas accepter que son fils a choisi une épouse d’une caste inférieure. Ensuite elle éduque et forme sa nièce Nabou à être obéissante, docile, sobre et bien informée dans les rôles traditionnels d’une femme. Tante Nabou ment plus tard à son fils Mawdo que « Mon frère Farha t’a donné le jeune Nabou pour épouse, pour remerciez-moi de la manière digne dont je l’ai élevée » (Ch.12). Elle prévient en outre que son refus d’obéir à sa volonté et d’épouser son cousin pourrait la tuer : « Je ne m’en remettrai jamais si tu ne la prends pas pour épouse. La honte tue plus vite que la maladie » (Ch.12). Que ce soit le stratagème d’une mère ou non, elle réussit et obtient la double joie de briser le mariage antérieur de son fils et de cimenter l’aristocratie de la famille. De toute évidence, Bâ critique tante Nabou pour son rôle central dans l’effondrement du mariage d’Aissatou. Tante Nabou est également critiquée pour avoir détruit l’avenir de sa nièce. Au lieu d’aider la jeune Nabou à s’émanciper, elle veut qu’elle reste ignorante, parfaitement docile et la plus silencieuse possible. Elle lui enseigne que« une femme n’a pas besoin de trop d’éducation  » (Ch.12). Tante Nabou est un exemple de femmes dont les actions sont préjudiciables aux intérêts modernes des femmes dans leur société. Elle est aussi égoïste et manipulatrice que les hommes de sa culture.

Puis un autre personnage de ce genre est la mère de Binetou, que l’auteur appelle ironiquement Dame Belle-Mère, Elle est« était plus préoccupée de faire bouillir la marmite que d’éducation [de sa fille]» (Ch.15), elle incite ainsi Binetou à interrompre ses études et à se marier Modou qui est plus âgée qu’elle plutôt qui a l’âge de son père. Dans le processus, Cette Dame Belle-Mère détruit la maison d’une autre femme et compromet par la suite les chances de sa fille de devenir financièrement indépendante. N’ayant pas l’éducation nécessaire pour trouver du travail, Binetou devient économiquement dépendant de Modou. La mère de Binetou considère ce mariage comme un moyen de mettre fin à sa misère et d’être propulsée « à la catégorie des femmes « au bracelet lourd », chantées par les griots. » (Ch.15). En retirant Binetou de l’école pour la « vendre aux enchères » au richissime mais vieux Modou, des adultes comme Dame Belle-Mère étouffent l’aspiration d’enfants comme Binetou.

En fin de compte, les belles-mères d’Aïssatou et de Ramatoulaye et la mère de Binetou sont les véritables complices des mariages polygames, détruisant non seulement le bonheur d’Aïssatou et de Ramatoulaye, mais aussi l’avenir des deux jeunes épouses Nobou et Binetou. Ces vieilles femmes ne sont pas seulement les servantes des structures patriarcales, mais aussi leurs gardiennes. Leur complicité est vivement dénoncée par la fille de Ramatoulaye, Daba comme elle dit : « Comment une femme peut-elle saper le bonheur d’une autre femme ? (Ch.21) » Daba conseille aussi aux jeunes filles comme Binetou et bien d’autres de ne pas sacrifier leur jeunesse, leurs études et leurs rêves pour satisfaire la cupidité de leur mère. Entendez-la : « refuser… si un homme offre [des richesses contre l’amour] car rien de tout cela ne vaut le capital de la jeunesse » (Ch.13).

D’un autre côté, si l’on analyse le roman d’Ashapurna Devi, Pratham Pratishruti [La Première Promesse], on peut remarquer que les veuves âgées de la famille de Ramakali dominent et établissent la tradition patriarcale plus qu’un homme.

Dans ce roman, la plupart des «mères» que nous trouvons sont timides de nature, elles sont extrêmement aimantes envers leur fils mais en même temps très atroces envers leurs belles-filles. Mais en même temps, il y a des mères comme Bhubaneshwar et Saudamini, qui sont conformistes, dévouées et ardentes à la fois envers leurs enfants et leurs beaux-parents.

Au debut de ce roman, on voit que le personnage de Jashoda (la grand-tante de Ramakali) se plaint à Jaykali (le père de Ramakali) que Ramkali se moque de Dieu et qu’il ne respecte pas les rituels religieux et que cet acte de Ramkali ne doit pas être toléré comme négligeant les rituels religieux n’est rien d’autre qu’un péché selon Jashosda. Le personnage de cette vieille dame de la famille indique clairement que les femmes plus âgées dans le monde domestique de cette époque étaient plus vigoureuses et consciencieuses pour suivre et maintenir des activités religieuses strictes et elles obligent les autres jeunes membres de la maison à accomplir et à suivre ces rituels traditionnels non pertinents. Ensuite on peut voir que les cinq veuves de la famille de Ramakali, Dinatarini, Kashiswari, Shankari, Shibjaya et Mokshada mènent une vie stricte par leur propre choix.

Un autre incident qui indique clairement que les femmes jouent également un rôle dans les souffrances des autres femmes, c’est quand l’un des neveux de Ramkali, Rashbehari, suite aux obligations imposées à un brahmane kulin, est obligé de faire un second mariage, ce que sa première épouse, Sarada, proteste vigoureusement. en menaçant de se suicider. En conséquence, son mari s’abstient de coucher avec la seconde épouse. Les autres femmes jalouses de la maison ne peuvent pas accepter ce succès de Sarada à faire chanter son épouse et parviennent à persuader Rashbehari de coucher avec la deuxième épouse. Et puis, quand l’une des cinq veuves, Shankari s’enfuit avec l’homme qui la courtisait, Nagen, ce qui met toute la famille en disgrâce et ces autres veuves s’opposent et critiquent beaucoup Shankari. Il est évident que par jalousie ces femmes sont incapables d’accepter le succès ou l’indépendance des autres femmes et deviennent ainsi la cause des souffrances des autres femmes.

Toutes les femmes sont les victimes de ces traditions dominantes de la société. Certaines ne se rendent jamais compte de leur victimisation et ont tendance à suivre aveuglément ces normes de la société et pour leur tendance à suivre aveuglément ces coutumes de la société, d’autres femmes qui ont l’intention d’atteindre la liberté deviennent la victime. Dans ces deux romans les personnages des femmes comme la mère de Ramatoulaye, sa belle-mère, la belle-mère de Aïssatou et les deuxièmes femmes de leurs maris et la mère de Binetou et Les veuves c’est-a-dire les grands-mères de Satyabati qui supportent le système de la polygamie sont les plus grands exemples de ce genre de femmes qui croient aveuglément au patriarcat plus qu’un homme et veulent désespérément continuer cette tradition.

Ce chapitre vise à montrer que, bien que les hommes soient souvent accusés d’opprimer les femmes, il est tout à fait évident que les femmes participent également à l’oppression féminine. Ces femmes âgées ignorantes, égoïstes, manipulatrices et insensibles sont un véritable obstacle à l’émancipation des femmes. Il y a donc nécessité absolue de relations cordiales. Fraternité et surtout. Solidarité entre les femmes, qu’elles soient mariées ou célibataires, pour se sauver de l’oppression et de la domination masculine. Comme le souligne à juste titre Irène d’Almeida[3], « Une plus grande solidarité entre les femmes est nécessaire pour atténuer l’agonie que vivent les femmes dans les situations [conjugales et sociales] »

Conclusion

A la fin, il ressort de cette étude que bien que ces deux pionnières du féminisme moderne, Mariama Bâ et Ashapurna Devi appartiennent à des continents différents, tous les deux ont professé écrire l’histoire de l’espace domestique apparemment en sourdine, du quotidien la vie des femmes au sein des quatre murs, domaine qu’elles ont justement pointé, avait été systématiquement méconnu des historiens. Bâ et Devi peuvent ainsi être considérées comme les pionniers de l’histoire de tous les jours.  Bâ a écrit une longue lettre épistolaire pour nous faire entendre le cri prolongé des femmes africaines et Devi a écrit une trilogie, un chef d’œuvre pour éclairer la condition de la femme dans la société du Bengale indivis.

Ces deux romans ont jeté beaucoup de lumière sur l’obscurité du monde domestique gouverné par les fidèles du patriarcat et nous ont montré comment la religion au nom de la tradition et de la culture dominait à l’intérieur des quatre murs. Et ces deux romans ont également prouvé que non seulement les hommes étaient les cultivateurs du patriarcat mais qu’il y avait des vieilles femmes qui essayaient d’établir la tradition patriarcale plus qu’un homme. Mais il y a toujours une lueur d’espoir scintillante peut-être sous la forme d’une petite luciole au bout de chaque tunnel. Ici c’est l’éducation qui donne aux femmes le courage de suivre le chemin inexploré. À travers ces romans, Bâ et Devi décrivent que pour réussir dans la vie, les femmes doivent s’identifier, avoir confiance en leurs propres capacités et surmonter les multiples défis de la vie grâce à la bénédiction de l’éducation et c’est l’éducation qui a aidé ces protagonistes à briser le silence prolongé du monde domestique car grâce à l’éducation Elles ont compris que le silence cache la violence. Alors que de plus en plus de femmes ordinaires de la classe moyenne quittent la maison pour étudier et travailler, elles sont également devenues les mères d’une génération d’hommes plus éclairés. Dans ces deux romans, les personnages des protagonistes me rappellent le poème de Maya Angelou[4], « Still I rise » (Je me lève encore)

« With your bitter, twisted lies,You may trod me in the very dirt / But still like dust, I’ll rise… / Out of the huts of history’s / shameI rise / Up from a past that’s rooted in pain /I rise…»

( Avec tes mensonges amers et tordus, tu peux me piétiner jusque dans la saleté / Mais toujours comme de la poussière, je me lèverai. / Hors des huttes de l’histoire / honte je me lève / D’un passé enraciné dans la douleur / Je me lève…)

Pour conclure, on peut bien dire que ces féministes modernes sont pour nous comme Prométhée[5] qui a apporté le feu pour éclairer ses prochaines générations. Et leurs protagonistes sont comme les phoenix[6] qui avaient sauté des cendres de la tristesse et haussé leurs voix et à travers leurs voix rebelles, elles ont révolutionné le printemps au milieu d’hiver.

Références

I) La source primaire

Bâ, M. (1979). So Long a Letter. Dakar, Senegal: Les Nouvelles Éditions Africaines du Sénégal.

Devi, A. (1971). First Promise. India: Mitra & Ghosh Publishers.

II) La source secondaire

Larrier, R. (2000). Francophone Women Writers of Africa and the Caribbean. Florida: University Press of Florida.

Devi, A. Satyabati Trilogy.

https://en.wikipedia.org/wiki/Prothom_Protishruti, accédé le 2 avril,2023

https://www.sociologygroup.com/ashapurna-devi/, accédé le 3 avril,2023

https://fr.wikipedia.org/wiki/Une_si_longue_lettre, accédé le 28 mars,2023

https://en.wikipedia.org/wiki/Escape_from_Taliban, accédé le 4 avril,2023

https://www.getbengal.com/details/ashapurna%20devi%20the%20voice%20of%2women, accédé le 1 avril,2023

https://feminisminindia.com/2019/03/11/ashapurna-devi-feminist-writer-bengali/, accédé le 2 avril,2023

http://www.amarboi.com/2013/08/kabuliwalar-bangali-bau-susmita-bandopadhay.html. accédé le 2 avril,2023

https://www.poetryfoundation.org/poems/46446/still-i-rise, accédé le 29 avril,2023

https://www.academia.edu/2976754/Womens_Relationships_Female_Friendship_in_Toni_Morrisons_Sula_and_Love_Mariama_Bas_So_Long_a_Letter, accédé le 29 avril,2023

https://readingundertheolivetree.com/2020/06/27/so-long-a-letter-so-long-a-history-mariama-ba-muslimness-and-womens-rights/,  accédé le 29 avril,2023


[1] Quatre mois et dix jours, le temps qu’une veuve est censée porter le deuil de son mari en Islam.

[2] Sushmita Banerjee, également connue sous le nom de Sushmita Bandhopadhyay et Sayeda Kamala, était écrivaine et militante indienne.

[3] Irène Assiba d’Almeida est une poétesse, traductrice et érudite littéraire béninoise. Elle est professeure d’études francophones et de français à l’Université d’Arizona.

[4] Maya Angelou était mémorialiste, poétesse et militante des droits civiques américaine.

[5] https://en.wikipedia.org/wiki/Prometheus, accédé le 28 avril,2023

[6] https://en.wikipedia.org/wiki/Phoenix_(mythology), accédé le 28 avril,2023